Séances de 2007
Séance du 20 janvier 2007
Lors de la séance de janvier trois communications ont été présentées.
Les seigneurs de Magnat en Berry
Christophe Chevalier a suivi les traces d’une famille de féodaux marchois installés dans le Berry. C’est par héritage que deux frères appartenant à la puissante famille de Magnat-l’Étrange prirent possession d’importantes terres dans la région de Cluis. Ithier conserva des liens étroits avec sa région d’origine. La cadet, Odon, dont les archives permettent de reconstituer la vie d’un puissant seigneur contemporain de Saint-Louis qu’il accompagna à la croisade, fut le fondateur de la branche du Repaire qui abandonna au XVIe siècle le château du même nom pour celui de Montchevrier. Beaucoup plus tard, par mariage, l’un des descendants s’installera à nouveau dans la Creuse, mais au château de Claux, commune de Nouhant.
Un creusois au bagne de Nouvelle-Calédonie
Après un rappel de l’histoire des bagnes coloniaux créés en 1863 et supprimés en 1947, Hélène Taillemite, grâce aux archives de ces établissements conservées à Aix-en-Provence, s’est penchée sur l’histoire d’un Creusois, Silvain Léonard, condamné en 1867 pour vol à 20 de bagne et transporté en Nouvelle-Calédonie. Après une tentative d’évasion qui lui vaudra une peine de supplémentaire de deux ans de travaux forcés, il obtient en 1888 une concession agricole. Il se mariera avec une femme d’origine italienne, condamnée pour infanticide. Le couple aura six enfants et sa situation de fortune était jugée aisée par l’administration pénitentiaire. Silvain Léonard est mort en 1910, sans avoir revu la Creuse…
Le millet dans la Creuse : essais de culture et de consommation
Jusqu’à la fin du XIXe siècle, le millet a été cultivé et consommé dans le nord du département. Jacqueline Sabourin a voulu faire un essai de culture de cette plante. Le semis a eu lieu en mai, la récolte en septembre. L’égrenage et le vannage n’ont pas posé de difficultés malgré l’absence d’un van d’autrefois. Plus difficile a été la moulure qui se faisait dans une « pile » en pierre à l’aide d’un pilon volumineux et lourd. Pour obtenir la pâte il a fallu tâtonner pour trouver la bonne proportion d’eau et de mouture et bien surveiller la cuisson qui doit être très douce. La pâte cuite est assez fade, ressemblant à la polenta italienne et, comme celle-ci, n’est bonne pour un palais moderne qu’avec un accompagnement.
Séance du 17 mars 2007
Pour son assemblée générale statutaire, la Société des sciences naturelles, archéologiques et historiques de la Creuse avait quitté ses locaux habituels pour ceux plus fonctionnels de l’Institut régional de formation Jeunesse et Sport de Grancher où se tiendront désormais ses séances bimestrielles. Après l’adoption des différents rapports qui ont mis en valeur la bonne santé morale et financière de la Société, ont été présentées deux communications.
Un musicien de la belle époque
Guy Claudey a retracé la vie et l’œuvre d’un musicien compositeur de la Belle Époque, Francis Popy (1874-1928). Celui est né à Lyon mais d’une famille de maçons creusois originaire de Pontarion. Il manifeste très tôt des dispositions musicales qui incitent son père à lui faire suivre les cours du conservatoire de la ville. C’est pendant son service militaire qu’il fera ses premières compositions, prélude à une œuvre très importante comprenant 401 compositions orchestrales et la musique de 144 chansons. Si la présence de sa valse « Sphynx » dans le film « Titanic » ne repose sur aucune vérité historique, elle témoigne de son rôle de témoin de son époque.
Un barrage oublié
Christiane Parouty a évoqué un barrage oublié, celui de Flobourg, sur la Tardes, près de Lussat. C’est là qu’en 1904, la Société des Forces motrices de la Tardes obtint l’autorisation de construire un barrage et une usine hydroélectrique. Les travaux furent confiés à l’entrepreneur François Denhaut qui se rendra célèbre comme constructeur-aviateur. Il utilise là un brevet de son invention sur les bétons armés dont ce sont les tout débuts. En 1905, Lussat est le premier bourg de la région à être éclairé par l’électricité. La compagnie « Loire et Centre » puis EDF exploiteront Flobourg jusqu’en 1960. Mais en 1977, un particulier rachètera barrage et usine qu’il remettra en état, vendant aujourd’hui les KW qu’il produit à EDFSéance du 12 mai 2007
Pionnat a été, de 1790 à 1801 chef-lieu d’un canton comprenant les communes de Saint-Laurent, Mazeirat, Ajain, Ladapeyre, Cressat et Vigeville. C’est pourquoi, après fresselines ne 2006 s’y est tenue notre séance foraine 2007.
En fin de matinée a été présentée une exposition réalisée avec la collaboration des Archives départementales montrant quelques aspects de l’histoire et du patrimoine de ces communes.
Cinq communications étaient au programme de la séance de l’après-midi.
Le nom de Michel Villedo (1698-1667), maître général des bâtiments du roi, ponts et chaussées de France, est connu ; l’est moins celui de son beau-frère, Antoine Bergeron, avec qui il s’était associé pour la construction de Vaux-le-Vicomte. Après la disgrâce de Fouquet, Bergeron fut l’un des principaux entrepreneurs de Versailles. Ce personnage a été au centre de l’exposé d’Henri Gerbaud qui a notamment indiqué que, s’il n’est jamais revenu à Pionnat, Bergeron n’avait pas oublié sa paroisse natale, achetant la seigneurie des Forgettes et laissant dans son testament la somme nécessaire à la construction de la sacristie. Il avait aussi élevé les enfants du premier mari de son épouse, Jean Tarade, originaire lui aussi de Pionnat, dont l’un devint directeur des fortifications d’Alsace et fut anobli par Louis XIV.
« Naître, vivre et mourir à Pionnat au XVIIIe siècle », c’est le thème qu’a ensuite évoqué Daniel Dayen. Presque une centaine de naissances dans l’année, un nombre très variable de décès, ce sont là les premières données fournies par les registres paroissiaux. Février a été le mois où se sont concentrés 70 % des mariages (et 10 % en janvier). Veufs et veuves étaient nombreux et un second, voire un troisième mariage, était chose courante. La majorité des naissances avait lieu entre septembre et décembre, témoignant de la présence des maçons en hiver. Jean était de loin le prénom masculin le plus répandu, devant Martin, Pierre, Antoine et François. Pour les filles, Jeanne et Marie arrivaient à égalité. Pour les familles dites complètes, c’est-à-dire dont la fécondité n’était pas interrompue par le décès de l’un des deux époux, le nombre moyen d’enfants était de sept ou huit. Mais la moitié des décès intervenait avant d’avoir atteint l’âge du mariage…
Jean-Louis Broilliard s’est penché sur les premières élections municipales de Pionnat, entre 1789 et 1792. Les opérations électorales, qui duraient plusieurs jours, se sont déroulées selon un rituel presque religieux, sans incidents notables, sans compétitions acharnées. Les élus ont été essentiellement des « laboureurs » comme Claude Sauvanet, le premier maire, qui sera peu après élu juge de paix du canton. C’est un marchand du bourg, Martin Basset, qui le remplacera, mais le troisième, Léonard Martin, était aussi laboureur. Il faut noter qu’en 1792, le curé constitutionnel, Jean Auppy se vit confier le poste d’officier de l’état civil, alors que son prédécesseur, Jean Doussot, devenu curé réfractaire, n’avait obtenu aucun suffrage lors des premiers élections municipales.
Recueillis par son petit-fils, l’historien Jean Michaud, les souvenirs de Pierre Lamy, né en 1864 à Saint-Laurent, sont restés inédits. La mort du père, maçon à Paris, plongea la famille dans la quasi-misère. La scolarité du jeune garçon fut des plus courtes et le voilà à dix ans domestique à la ferme du Cros, avec comme seul salaire son « aise de pain ». À dix-sept ans, il part pour les chantiers parisiens et, jusqu’en 1894 alternent le métier de maçon à Paris et celui de domestique agricole à Saint-Laurent. Laissant alors son premier enfant aux soins de sa mère, il emmène sa femme dans la capitale où elle sera nourrice. En 1907, au décès de sa belle-mère, c’est le retour au pays, l’ancien maçon à la tête d’une exploitation de cinq hectares, doublée cependant par des achats. Et, à la veille de la guerre de 1914, Pierre Lamy sera élu maire de sa commune.
En 1927 ouvrit, dans les bâtiments de l’ancien petit séminaire fermé en application de la loi de Séparation des Églises et de l’État de 1905 l’hospice départemental de vieillards et d’incurables d’Ajain. Il avait fallu plus de vingt ans pour en arriver là. Il fut en effet question avant 1914 d’un asile d’aliénés, d’un établissement de protection des mineures contre la prostitution, de colonies de vacances de la ville de Paris. Pendant la guerre le bâtiment abrita un « camp de concentration » de sujets austro-allemands vivant en France puis un « dépôt de suspects » venus pour beaucoup d’Europe orientale, qui laissèrent les locaux dans un état déplorable, obligeant le département à de coûteux travaux coûteux et à la réduction du nombre de lits primitivement prévus. Ce sont ces divers projets qu’a évoqués Michelle Dayen, en terminant par les discussions animées au sein du conseil général pour la nomination du médecin du nouvel établissement.
La journée s’est terminée par la visite de l’église où l’on a pu admirer le retable et le tabernacle du XVIIe siècle, ainsi que les quatre statues classées, dont deux portent le don de leur donateur, Jean Maublanc, neveu d’Antoine Bergeron.Séance du 21 juillet 2007
Quatre communications ont été présentées lors de notre séance d’été.
Delphine Brunaud, auteur avec Laurent Touchart de l’ouvrage publié récemment par la Société sur l’étang de Landes, a commenté un diaporama qu’elle a réalisé sur ce plan d’eau. Photographies, cartes, graphiques et diagrammes ont permis d’en apprécier les richesses et d’en comprendre le fonctionnement.
Peu de régions peuvent offrir un ouvrage aussi documenté que celui intitulé La Révolution française : une rupture dans le christianisme. Le cas du Limousin. Cette étude, due à Louis Pérouas et Paul D’Hollander, a été rendue possible par le très important travail du secrétaire de Mgr Du Bourg, Martial Legros ; qui, en 1802, avait établi la liste du millier de prêtres exerçant alors dans le diocèse de Limoges, avec leur état civil, leurs études, leur carrière pastorale, leur attitude pendant la Révolution. Louis Pérouas a détaillé ce travail, repris sous une autre forme en 1805, et donné quelques éléments biographiques sur cet archiviste méconnu.
Le pharmacien Florand, établi dans la Grand-Rue, a été au XIX e siècle une figure de Guéret. Son fils Antoine deviendra à Paris une célèbre médecin, comptant d’importantes personnalités dans sa clientèle, ainsi Georges Clemenceau, dont il sera l’ami. Il avait épousé la fille d’un médecin originaire de Bellegarde-en-Marche, établi à Soissons et qui possédait une propriété à Bucy-le-Long, dans l’Aisne. Louis Férin, président de la société d’histoire de cette localité, a présenté la substance du livre qu’il a consacré à cette famille. L’ouvrage contient notamment des photographies inédites de Guéret à la Belle Époque.
Le neveu du docteur Florand, Antoine Bouchardon, (1870-1950) a été rendu célèbre par son rôle dans les procès d’espionnage de la Grande Guerre, notamment celui de Mata-Hari. Outre ses Souvenirs, dont les premières pages sont précieuses pour l’histoire de Guéret, il a écrit de très nombreux ouvrages et articles sur les affaires judiciaires anciennes. Daniel Dayen s’est attaché à montrer comment les deux aspects du personnage, le magistrat et l’écrivain admirateur de Balzac, se sont intimement complétés. Il a aussi évoqué les caricatures représentant des habitants de Guéret qu’avait réalisées Bouchardon et dont Jouhandeau a parlé à maintes reprises dans son œuvre.
Séance du 15 septembre 2007
Avancée d’une semaine en raison des Journées de Chaminadour organisées par l’Association des lecteurs de Marcel Jouhandeau et des amis de Chaminadour consacrées cette année à Pierre Michon, la séance de septembre de la Société s’est tenue à la Maison des Associations de Braconne. Trois communications y ont été présentées.
Les chapiteaux de l’église de Lupersat
L’imposante église de Lupersat, consacrée à saint Oradoux, martyr de la Combraille, abrite un ensemble exceptionnel de 46 chapiteaux, dont 40 sculptés. On n’a souvent retenu de ceux-ci que le caractère grossier, voire obscène de certains d’entre eux. Jean Brunet s’est attaché à montrer au contraire leur caractère très élaboré. Conjuguant réalisme, stylisation et symbolisme, du porche au chœur, ils appellent le chrétien à se protéger du péché dont ils montrent sans complaisance la réalité et la punition et à élever son âme vers le ciel pour rejoindre le Dieu des Lumières.
La mémoire de la diamanterie à Felletin
C’est en 1890 qu’un ancien maçon, Blaise Vennat, introduisit la taille du diamant à Felletin. Vers 1910 on comptait dans la ville une centaine d’ouvriers et d’apprentis. Venait de se fonder une coopérative ouvrière de production, la Felletinoise, dans la tradition à la fois de l’associationnisme jurassien et du socialisme creusois. Dans une ville en déclin industriel et en perte de population, on mettait beaucoup d’espoir dans cette nouvelle activité, d’où le désenchantement avec la récession amorcée dès les années 1920. À l’exception du moulin Combaudon, siège de l’atelier coopératif, devenu un pôle touristique, il reste peu de traces de cette industrie, les derniers acteurs n’ayant connu que la phase de déclin. C’est cependant cette mémoire qu’a tenté de retrouver Alain Carof, en replaçant l’industrie fascinante du diamant dans son contexte mondial, hier et aujourd’hui.
Les élections de 2007 dans la Creuse
M. Christian Moulinard, enseignant à la Faculté de droit de Limoges et commentateur des soirées électorales sur FR3 Limousin a présenté les réflexions que lui ont suggérées les résultats creusois des élections présidentielles et législatives. Les présidentielles ont été conformes à la tradition de gauche du département, avec aussi les constantes de la faiblesse de l’extrême droite, de l’importance relative de l’extrême gauche et de l’abstention. Pour les législatives ont compté le poids des personnalités et le rejet du « parachutage ».
On trouve dans le vote creusois la recherche de l’égalité, la peur de la mondialisation et la crainte du désengagement de l’État. Mais c’est aussi un vote opportuniste : la décentralisation profite à la région, et celle-ci est, par la Haute-Vienne, solidement ancrée à gauche…
Séance du 17 novembre 2007
C’est en présence d’une nombreuse assistance que s’est tenue la séance d’automne de la Société des sciences naturelles, archéologiques et historiques de la Creuse au cours de laquelle ont été présentées quatre communications.
La voie d’Agrippa à Poncharraud
Le sondage réalisé par Pierre Ganne sur le chemin situé en limite orientale de la commune de Poncharraud a offert des éléments concordants avec l’enquête historique concluant au passage en ce lieu de la voie aquitanique d’Agrippa et avec l’opération archéologique menée à Fernoël (Puy-de-Dôme). La disposition à plat et en long des pierres de bordure, l’installation d’un radier de pierres jetées à plat sur un remblai et le calibre identique des différents matériaux sont communs aux deux constructions, qui incluent toutes deux des tessons antérieurs à notre ère.
Philibert de Naillac
Philibert de Naillac, né vers 1355 dans une famille de la Marche, fut commandeur de Lureuil (Indre) vers 1380. Il lui fut confié en outre, la commanderie de Paulhac (Creuse) en 1382; devenu maître de l'Ordre des Hospitaliers en 1396, il exerça sa mission en diplomate de grand talent. Il mourut en 1421.
Deux marins creusois
Étienne Taillemite a ensuite évoqué deux marins dont les carrières se sont entrecroisées. L’un, Amable Faure de Fournoux, né à Vidaillat en 1753 et mort à Chénérailles en 1819 est pleinement Creusois. Après avoir servi aux Indes, il fut en 1790 administrateur du département et, élu député suppléant à la Convention, il y remplaça Guyès, décédé. Il fut quelque temps membre du Conseil des Cinq-Cents, démissionna pour reprendre son service dans la Marine et, après avoir commandé l’école navale de Brest, termina sa carrière avec le grade de contre-amiral. Il avait servi sous le commandement de Morard de Galles. Celui-ci, originaire de la région grenobloise, fut sous le Consulat nommé titulaire de la Sénatorerie de Limoges, dont le siège avait été établi à Guéret dans l’hôtel Tournyol du Clos à peine achevé, qui abrite aujourd’hui le musée. C’est là qu’il mourut le 23 juillet 1809, à l’âge de 68 ans. Selon les dispositions alors en vigueur ses cendres furent transférées au Panthéon.
L’école de hameau de Lage
La Creuse a compté une cinquantaine d’écoles de hameau, implantées dans les communes étendues. Celle de Lage, commune de La Celle-Dunoise, à la particularité d’avoir été financée par Jean Auclair, un riche entrepreneur de Savigny-sur-Orge, originaire de la commune, celle aussi, alors que presque tous ces établissements étaient à classe unique, d’avoir eu, du moins pendant de longues années, deux classes confiées à un ménage d’enseignants. C’est sur l’histoire de cette école, de sa construction en 1906, à sa fermeture en 1964 que s’est penchée Béatrice Nguyen qui a notamment recueilli d’émouvants souvenirs d’anciens élèves.