21 octobre 1920

LECTURES ET COMMUNICATIONS

— M. Antoine Thomas signale dans une note reproduite à la fin du présent procès-verbal l’existence de registres paroissiaux de la Creuse aux Archives nationales.

— M. Pierre Charreyron, notre collègue de la Société archéologique et historique du Limousin, a bien voulu nous envoyer un article sur Léon Sandon, originaire de Felletin, personnage dont la presse et l’opinion s’occupèrent beaucoup sous le Second Empire. Lecture est donnée de cet article qui paraîtra dans les Mémoires.

— M. Georges Netange a copié dans les minutes anciennes de Me Guingue, notaire à Jarnages, un curieux acte dont M. Autorde donne lecture : c’est un contrat d’afferme pour trois ans, consenti le 29 septembre 1662, par les autorités de Jarnages à Antoine Legendarme du « droit de langayage des pourceaux » vendus dans la localité. Cet acte sera publié.

— M. Louis de Nussac nous a signalé un article de M. F. Pérot, paru dans la Revue scientifique du Bourbonnais en 1906, (pp. 158-160) concernant notre compatriote Barailon. M. Pérot y indique qu’il est possesseur d’un manuscrit formant deux volumes, l’un de 307 pages, l’autre de 361 pages, qui contiennent une longue série d’observations météorologiques faites par Barailon à partir de 1778. Certains faits historiques locaux y sont également enregistrés à partir de 1790. Le titre de l’un des volumes mentionne des observations faites à Moulins (Barailon a été médecin en chef de la généralité). Quelques extraits cités par M. Pérot s’appliquent à des observations faites à Chambon. Ainsi que l’a fait remarquer M. Pérot, ce manuscrit doit offrir de l’intérêt par les détails et la continuité des constatations enregistrées.

— M. Savignat a trouvé dans les registres paroissiaux de Bord-Saint-Georges une mention intéressante écrite par l’abbé Thomas, alors curé, relative à la découverte, en janvier 1783, au village de Change, en cette paroisse, d’« un monument ancien de 61 pieds de longueur sur 50 de largeur », contenant des ossements, des monnaies, des débris de statué. Cette découverte a fait l’objet d’une étude de Barailon dans ses mémoires sur quelques monuments récemment découverts dans le pays de Combraille... (178-4). M. Savignat a identifié le terrain où la découverte a eu lieu ; c’est une terre dite les Boueix, appartenant à M. Vernaudon, descendant de Laurent Feron, mentionné au registre paroissial comme propriétaire de la terre en 1783. Une margelle de puits provenant de la terre des Boueix a été transportée au village de Beaune, où elle se trouve encore à côté de la maison Boulade. Sur les mêmes registres paroissiaux se trouvent des mentions relatives à un dénombrement des habitants en 1784, aux récoltes, à la température etc. M. Savignat nous a envoyé, eu outre, le manuscrit d’un poème intitulé L’Exilé, daté du 18 juin 1856, composé par André Thévenot, de La Souterraine, sur lequel J. Bellel a écrit une notice dans nos Mémoires (XVII, 271-273). Le poème, dont la troisième partie est dédiée au Prince impérial, sollicite la clémence du gouvernement pour un proscrit du 2 Décembre.

— M. l’abbé Peuch présente une partie des objets provenant des fouilles qu’il a exécutées (voir procès-verbal de la séance du 20 mai 1920, au présent tome, page lxxvi), ainsi que des échantillons de minéraux provenant de Montebras.

— M. Parot indique que lors des expériences de dérochement faites à la cheddite, en juin dernier, dans du granit, à La Croix de Lorette, près Guéret, une petite masse solide, noirâtre, dégageant un gaz à odeur pénétrante, ayant l’aspect d’un produit de haut fourneau, fut recueillie par M. Autorde. L’analyse du fragment a montré qu’il avait tous les caractères des chlorates (la cheddite étant du chlorate fondu) et que, de plus, il contenait de notables quantités de fer. II est probable qu’on se trouve en présence d’un fragment de chlorate qui a fondu à nouveau au moment de l’explosion et s’est combiné au mica noir, partie ferrugineuse do la roche. Le gaz à odeur pénétrante qu’a senti M. Autorde était le piroxyde de chlore.

 

NOTES LUES EN SÉANCE

Registres paroissiaux de la Creuse aux Archives Nationales par Antoine Thomas

Mon confrère M. Charles Samaran, archiviste aux Archives Nationales, a bien voulu m’informer, au mois de décembre 1919, de la découverte qu’il a faite dans un local inexploité de notre grand dépôt national, de trois registres paroissiaux de notre département, que j’ai examinés et sur lesquels je puis fournir à notre Société quelques renseignements sommaires.

1° Felletin, paroisse du Moutier. — Registre de 33 feuillets. Baptêmes, du 14 juin 1601 au 30 novembre 1610. Copie intégrale faite en 1610 et certifiée par les notaires Jourdain et Roy. La plupart des actes sont reçus par le curé Jehan du Lac. J’y ai relevé toutes les mentions de tapissiers qui m’ont frappé, et que voici par ordre chronologique ; Anne fille du tapissier de Pontcharraud (17 décembre 1606) ; parrain Loys Chappellon tapissier (25 mars 1607) ; parrain Michel Villevault tapissier de Felletin (14 mai 1607) ; parrain Michel Villevault (2 juillet 1607) ; François Rase tapissier (15 juin 1608) ; François Rase tapissier (Tl avril 1600). L’original n’existe plus dans les archives communales do Felletin.

2° Saint-Germain-Beaupré : Registre de 71 feuillets. Baptêmes, mariages et enterrements, du 21 octobre 1629 au 21 septembre 1630. Original. J’ai extrait l’acte de décès de l’abbé de Bénévent Jehan de Las Luquetas, dont on ignorait jusqu’ici la date.

3° Cressat : Registre formé de deux cahiers de 6 feuillets chacun. Baptêmes, mariages et enterrements de l’année 1694. Les premiers actes sont signés par le curé Dufour, la plupart des autres par Auvillot « prieur curé des Forges desservant la cure de Cressat »

 

À propos d'un roman historique de Simon Mingasson par Louis Lacrocq

En même temps qu’il donnait à notre Société une copie du roman écrit par son grand-père (voir le procès-verbal qui précède), M. Paul Mingasson nous fournissait aimablement les renseignements qui nous permettent de présenter quelques éclaircissements sur cette œuvre d’inspiration creusoise et son auteur qui est notre compatriote.

Simon Mingasson était né au village de Montimazeau, commune de Chéniers, le 23 brumaire an X (14 novembre 1801) ; il était fils de Joseph Mingasson et de Françoise Descombes. Son éducation fut faite par son oncle maternel l’abbé Simon-Pierre Descombes, le prêtre distingué qui a fondé le Petit séminaire d’Ajain en 1817. Marié à Mlle Delacou, fille d’un notaire d’Eguzon (Indre), il succéda à sou beau-père en 1830, exerça ces fonctions pendant six ans et fut maire d’Eguzon de 1850 à 1856. Il est mort le 11 avril 1867.

C’est en 1840 qu’il écrivit ou, du moins, termina La Dame de Malval el le monastère de Boisférut ; le manuscrit du roman porte cette date. Nous n’avons pu savoir s’il le fit imprimer ; il est certain, en tous cas, que l’œuvre ne resta pas ignorée puisque Laisnel de Salle, dans ses Chroniques et légendes du centre de la France (Paris, 1875, tome II, p. 66), en cite un passage. La trame du roman, qui se passe au début du xvie siècle, est le récit des amours d’Amici, fille du baron de Saint Julien, seigneur de Beauvais, avec son frère de lait le jeune Théodule, qu’on enferme comme novice au couvent de Boisférut. Théodule se trouve être le fils de Philiberte de Savoie, dame de Malval, et sa mère le reconnait, mais il meurt assassiné par le seigneur de Beauvais. Amici meurt de chagrin et Philiberte de Savoie quitte la Marche après avoir fondé un couvent à Chéniers. De nombreuses digressions coupent le récit, comme l’épisode du « Daro (rocher) des Fées », l’histoire de Zizim, mêlées à des descriptions de paysages et de quelques usages locaux offrant un certain intérêt.

Il est permis de dire que la valeur littéraire de l’œuvre est médiocre et son style le plus souvent déclamatoire. On y trouve cependant un certain sens de la composition et la preuve que Simon Mingasson était un esprit cultivé, connaissant un peu le passé de la province par la lecture de l’histoire de la Marche de Joullietton probablement. Des nombreux personnages qu’il fait évoluer les uns portent des noms imaginaires, d’autres des noms que l’auteur a pris à une source que nous avons aisément retrouvée ; le procès-verbal de rédaction de la coutume de la Marche (1521) que lui offrait l’édition très répandue de Couturier de Fournouë.

Le côté le plus curieux du roman de Simon Mingasson est la nouvelle démonstration qu’il apporte de l’influence exercée en province par le mouvement romantique d’où procèdent manifestement tous les romans d’histoire locale éclos si nombreux à cette époque. Nous avons signalé à la Société archéologique et historique du Limousin (Bulletin t.LXVII, pp.242 et 250) Le Château de Chalusset ou l’Excommunication, de Francis Levasseur, paru en 1840, et les Chroniques Limousines d’Ayma, que publiait la revue toulousaine « La Mosaïque du Midi » entre 18Î18 et 1843. À peu près à la même époque, André Thévenot, le poète de La Souterraine, écrivait Eymeric de Bridiers et Médéric de Crozant, en deux volumes in-8° (cf. Mémoires de notre Société, XVII, p. 373, article de J. Bellet).

Ce n’est pas seulement comme écrivain que Simon Mingasson a droit à notre souvenir ; c’est aussi comme artiste. Il dessinait et il est l’auteur du portrait de son oncle l’abbé Descombes dont la reproduction accompagne des biographies de celui-ci. Dès 1843 — cinq ans après la mort de l’abbé Descombes — universitaire, E. Boulgon, originaire d’Aubusson, publiait sur lui une notice très élogieuse dans la Mosaïque du Midi (VI, pp. 377-330), illustrée d’une gravure sur bois d’après un portrait fait par Simon Mingasson, au sujet duquel Boulgon s’exprime ainsi : « Ne croyez pas à la sévérité de son portrait ; il y avait tant de douceur dans ses yeux qu’ombragent d’épais sourcils ! C’est qu’il était bien près de la mort quand son neveu M. Maingasson fixait les traits de son oncle chéri sur un papier caché dans son chapeau, car le modeste vieillard ne voulut jamais poser devant un artiste ». Une lithographie du dessin, non datée, a été tirée chez Villain ; elle porte la mention : Mingasson del. Nous ignorons ce qu’est devenu l’original du dessin. On le trouvera reproduit en photogravure (probablement d’après la lithographie) dans l’ouvrage de l’abbé Dardy sur Ajain (Creuse) paroisse et séminaire (Limoges, 1903) qui contient (pp. 201-253) de longs détails sur l’abbé Descombes ; il est raide, mais correct et très vivant.