Excursion du 3 septembre 2016

Sud de Pontarion

C’est par une journée estivale que s’est déroulée le samedi 3 septembre la 87e excursion annuelle, au sud de Pontarion. Elle a réuni plus de 60 participants.

Premier arrêt à Vidaillat où le groupe a été accueilli par Martine Laporte, maire de la commune. La visite de l’église, inscrite à l’inventaire des monuments historiques en 1946, était assurée par Alain Grandjean, un de nos sociétaires. Géraldine Thévenot a décrit cette église dans les Mémoires1 comme une église rurale au plan très simple. Sans négliger les remaniements ultérieurs, elle date sa construction au XIIIe siècle tout en précisant qu’« elle remonte sans doute à l’époque carolingienne, voire gallo-romaine, évoluant de l’oratoire privé vers l’édifice gothique ». Alain Grandjean a complété ces éléments en faisant état de ses recherches, détaillant une multitude d’éléments patrimoniaux, que ce soit au niveau du portail ou de l’intérieur : chapiteaux, statues, décor peint, nervures de la nef... Mais la particularité et la richesse de l’édifice, c’est incontestablement un foisonnement de modillons qui ornent le haut des murailles extérieures. Même si le temps en a rendu quelques-uns illisibles, la plupart d’entre eux représentent surtout des visages mais aussi des animaux ou des armoiries. En les décryptant un à un Alain Grandjean nous a démontré qu’ils étaient chargés de sens. Il a su passionner son auditoire. Deuxième arrêt à Chatain, chef-lieu de commune entre 1792 et 1823 et qui est aujourd’hui rattaché au Monteil-au-Vicomte. De retour d’Italie, empruntant la voie romaine, Montaigne y fit halte, qualifiant le lieu de « méchant petit village » où on lui servit « un vin nouveau à la place d’un vieux et non purifié ». Après un rapide coup d’œil sur une belle maison qui devait être celle du notaire royal, c’est une autre de nos sociétaires, Michelle Alcidiadi qui nous attendait pour la visite de l’église. Cette dernière date également du XIIIe siècle. Les murs et le chevet sont épaulés de puissants contreforts. L’édifice est d’apparence modeste, mais Michelle Alcidiadi s’est attachée à montrer l’originalité et la pertinence qu’offre l’intérieur. De nombreuses inhumations d’habitants des environs et de prêtres ont eu lieu au niveau de la nef. Dans le chœur, une pierre tombale porte les armes des Montaignac, seigneurs de l’Arfouillère. Elles sont également représentées sur un mur, de même que celles des Pierre-Buffière, assujettis à la maison d’Aubusson. Notre guide n’a pas manqué d’agrémenter sa présentation par des anecdotes, signalant au passage une porte donnant directement accès au cimetière, mais qui était réservée à ceux qui étaient en odeur de sainteté.

Notre autocar traversant Le Compeix (commune de Saint-Pierre- Bellevue), on ne pouvait éviter de visiter l’entreprise Nourrisseau, dont les réalisations en granite dépassent de loin, en réputation, les frontières de notre région. Signalons par exemple son implication place Vendôme à Paris ou encore place des Florentins à Genève. L’entreprise a été fondée en 1870. Le savoir-faire s’est transmis de père en fils et c’est Pierre-Marie (5e génération) qui a assuré la visite. L’entreprise qui fait vivre actuellement une dizaine de personnes s’est adaptée au marché en travaillant avec du granite du Tarn mais aussi du Portugal, de Suède, voire d’Afrique du Sud ou de l’Inde. Pour débiter des blocs de 15 tonnes qui arrivent par semi-remorques, déplacer les plaques obtenues, les conditionner à la demande des clients, « Nourrisseau granits » s’est équipé en machines aux possibilités de plus en plus sophistiquées et performantes. Là encore beaucoup d’intérêt de la part des participants devant la scie circulaire de près de 2 m de diamètre ou le fil diamanté programmable. Après le repas, nouvelle plongée dans le passé avec le sanctuaire gallo-romain du Puy Lautard. Nous sommes là à 775 m d’altitude et nous dominons une grande partie des plateaux de la Creuse et de la Montagne limousine.

C’est Patrick Léger qui a exposé les recherches effectuées sur ce site exceptionnel qui, sur une aire discontinue d’environ un hectare, a révélé des traces d’occupation antique. Bien évidemment, ce sont les vestiges de ce que l’on a identifié aujourd’hui comme un sanctuaire qui ont attiré les curieux et suscité des recherches inopportunes depuis la fin du XIXe siècle. De 1986 à 1992 une équipe d’archéologues, dirigée par Jean Marquaire, a fouillé le site et a mis au jour un fanum à double cella et un enclos attenant (Ier- ive siècles après J.-C.). Un abri a été conçu pour protéger les bases de l’édifice. On ne peut que déplorer la disparition ancienne de nombreux éléments du mobilier, dont une statuette féminine en bronze. En revanche, grâce à un habitant de la commune, M. Chassoux, des éléments de bas-reliefs en calcaire représentant des dieux romains, dont Neptune et Apollon, sont actuellement conservés par la communauté de communes, dans l’attente d’être un jour mis en valeur. Jusqu’à la fin des années 1950, le sommet du puy était couvert de landes, mais de récentes analyses montrent la présence de graminées à l’époque gallo-romaine. C’est la raison pour laquelle Patrick Léger penche pour un sanctuaire à vocation de dévotions agro-pastorales.

En remontant le temps, l’ultime visite était celle du château de Mansat-la-Courrière, dans une commune qui offre une histoire riche : occupation humaine au 1er millénaire, villa romaine, viguerie carolingienne plus importante que Bourganeuf aux ixe et Xe siècles (!)... Et qui n’a pas entendu parler de la statuette d’Apollon mise au jour en 1900 et aujourd’hui au musée du Louvre ? En revanche, ce lieu étant situé à l’écart des grands axes, on ignore le plus souvent qu’il possède un élégant château datant des XVe et XVIe siècles, qui il n’y a pas si longtemps servait de ferme. Mais, grâce au coup de cœur et au talent du couple Lewis, d’origine britannique, il a retrouvé de sa superbe. À l’issue de l’exposé de l’historique, devant son château, David-John Lewis nous a permis de pénétrer dans l’univers qu’il a créé avec son épouse pour y vivre à l’issue de la restauration qu’il a assurée en grande partie lui-même. Ainsi s’achevait une belle journée démontrant qu’en parcourant quelques kilomètres, on peut découvrir dans la Creuse un patrimoine aussi riche que varié.

Jean-Pierre Verguet

 

Le château de Mansat-la-Courrière

Le choix de Mansat pour établir une seigneurie n’est pas le fruit du hasard. Le site a connu l’implantation d’un vaste domaine agricole gallo-romain devenu le siège d’une viguerie à l’époque carolingienne, puis d’un habitat médiéval incluant un prieuré. Toutefois, il convient d’attendre le milieu du XVIe siècle pour que les titres signalent le nom d’un premier seigneur du lieu noble, François Doumy, nom qui sera conservé jusqu’à Jeanne Doumy. Né de l’union de cette dernière avec Balthazar de La Faye de La Porte (18 août 1641), Jean hérite des deux tiers de Mansat qu’à son décès Jeanne Doumy attribue par testament (1693) à Jean de Montrognon, issu d’un second mariage avec Marien de Montrognon (19 janvier 1660). Jean de Montrognon meurt sans postérité en 1711, léguant cette terre à son cousin Jean des Rosiers, mais à la faveur d’un procès intenté par Marie de La Faye de La Porte, nièce de Jean de Montrognon, celle-ci reprend possession du fief qu’elle vend le 1er août 1744 à Joseph-François Felder. L’acquéreur est le père de Jean-Gabriel Felder, gouverneur d’Ahun et contrôleur général des finances de Riom, seigneur de Mansat, transmis à sa fille Marie-Thérèse durant la période révolutionnaire. À l’écart du bourg, bordé au sud et à l’est d’un ancien étang aujourd’hui asséché, le château, dont les fossés ont été comblés, adopte un plan de type marchois. Un logis rectangulaire reçoit une tour carrée recélant l’escalier à vis de desserte des étages. Elle est légèrement décentrée sur la façade est, dont la base et les angles présentent un bel appareillage de pierre comme celui des deux échauguettes qui l’encadrent, et deux tours rondes tronquées aux extrémités de la façade arrière. Amputé au XIXe siècle du tiers de son élévation, le château a conservé son couronnement de corbeaux triples supportant jadis des mâchicoulis. La défense était complétée par une archère-canonnière actuellement en remploi et des bouches à feu. Fenêtres à traverse et meneaux ajouraient l’édifice auxquelles s’ajouteront de nouvelles ouvertures à l’époque moderne. L’escalier à vis, la cheminée monumentale de la cuisine, la chapelle au second étage, éclairée par une baie cintrée accueillant une table d’autel sur consoles surmontée d’un oculus, le personnage masqué à la base de l’encorbellement de l’échauguette nord-est figurent au nombre des autres éléments architecturaux remarquables.

Philippe Loy